
La question de la rémunération du président de SASU est souvent réduite à un simple arbitrage fiscal : salaire ou dividendes ? Pourtant, cette vision est incomplète. Elle occulte la dimension la plus importante : votre stratégie personnelle. La décision optimale n’est pas un calcul universel, mais le reflet de vos ambitions, de vos besoins de sécurité et de vos projets de vie.
Ce choix engage votre avenir bien au-delà de la simple fiscalité. C’est pourquoi il est crucial de dépasser l’idée reçue des « charges sociales » comme un coût à éviter à tout prix. Il faut plutôt les voir comme un investissement mesurable dans votre propre protection. La définition d’une SASU offre une flexibilité unique, et sa maîtrise commence par une bonne compréhension de ces leviers.
Votre rémunération de président SASU en 3 axes stratégiques
- Définissez votre profil : Identifiez si vous êtes un « Créateur » (ARE), « Bâtisseur » (projet immo) ou « Maximisateur » (optimisation).
- Calculez votre « salaire de sécurité » : Chiffrez le montant minimum nécessaire pour valider vos droits sociaux essentiels (retraite, maladie).
- Optimisez l’excédent : Arbitrez entre salaire complémentaire et dividendes en fonction de votre fiscalité et de vos objectifs.
Votre situation personnelle, point de départ de votre stratégie de rémunération
Avant toute simulation chiffrée, la première étape est une introspection. Votre stratégie de rémunération doit être le miroir de votre situation personnelle et de vos ambitions. On peut distinguer trois grands profils d’entrepreneurs, chacun avec des priorités distinctes.
Le « Créateur » est souvent en début d’activité, parfois bénéficiaire de l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE), et sa priorité absolue est la préservation de la trésorerie de l’entreprise. Le « Bâtisseur » a besoin de revenus stables et justifiables pour des projets personnels, comme un achat immobilier. Enfin, le « Maximisateur » dirige une société déjà rentable et cherche à optimiser chaque euro de bénéfice sur le plan fiscal. Identifier votre profil est le socle de toute décision future.
Profils d’entrepreneurs et stratégies de rémunération adaptées
Une analyse des pratiques en startup montre que les fondateurs ne se versent souvent aucun salaire avant leur première levée de fonds, préférant vivre sur leurs économies. C’est seulement après des financements significatifs qu’un salaire devient une nécessité pour sécuriser leur engagement sur le long terme. Les critères de rémunération dépendent alors du stade de développement, du contexte personnel (comme le nombre d’enfants à charge) et de la capacité à se concentrer pleinement sur le projet sans stress financier. Cette approche illustre bien que la rémunération est directement liée au cycle de vie de l’entreprise et aux besoins du dirigeant.
Cette évaluation doit aussi intégrer vos besoins de protection sociale, immédiats et futurs. Il ne s’agit pas seulement d’argent. Il s’agit de votre aversion au risque : quelle couverture santé souhaitez-vous ? Que se passerait-il en cas d’arrêt de travail prolongé ? Chaque trimestre de retraite compte-t-il pour vous dès maintenant ? C’est cet arbitrage personnel, bien plus que les taux d’imposition, qui doit guider vos premiers choix. D’ailleurs, les salaires des fondateurs varient fortement selon la maturité de la startup, avec une médiane en France à 120 000 € brut par an, tombant à 90 000 € pour les levées de fonds inférieures à 5 millions d’euros.
Enfin, comprenez que votre stratégie est dynamique. La décision parfaite au lancement de votre SASU ne le sera plus après trois ans de croissance, ou suite à un changement familial. Votre stratégie doit être agile et réévaluée régulièrement.
Étapes pour évaluer votre profil de rémunération
- Étape 1 : Définir votre profil (Créateur avec besoin d’ARE, Bâtisseur avec projets personnels, ou Maximisateur cherchant optimisation fiscale)
- Étape 2 : Évaluer vos besoins de protection sociale actuels (couverture santé, prévoyance, retraite, droits familiaux)
- Étape 3 : Identifier les changements de situation prévisibles (fin de l’ARE, croissance de rentabilité, changement familial)
- Étape 4 : Planifier des points de réévaluation annuels avec votre expert-comptable
Les charges sociales : transformer le coût perçu en investissement mesurable
Le statut d’assimilé-salarié du président de SASU est souvent critiqué pour son niveau de cotisations sociales, qui peuvent sembler élevées. En moyenne, les charges sociales représentent 82% du salaire net en SASU. Cependant, considérer ce chiffre comme un « coût » pur est une erreur d’analyse. Il s’agit en réalité d’un investissement direct dans votre sécurité.
Pourquoi les charges sociales en SASU sont-elles si élevées ?
Elles ne sont pas un simple « coût », mais le financement d’une protection sociale complète (retraite, maladie, prévoyance) quasi identique à celle d’un salarié cadre, constituant un véritable investissement pour votre sécurité personnelle et familiale.
Chaque euro de cotisation se traduit par des droits concrets. Il est possible de simuler le montant exact des indemnités journalières que vous toucheriez en cas d’arrêt maladie, le nombre de trimestres de retraite validés pour un salaire donné, ou encore les droits au chômage que vous pourriez recharger. Mettre ces chiffres en face du « coût » des cotisations change radicalement la perspective.

Cette visualisation aide à comprendre où va l’argent. Plutôt qu’une charge indistincte, on voit un portefeuille d’assurances : maladie, retraite de base, retraite complémentaire, etc. Comparez le « retour sur investissement » de ces cotisations au coût d’assurances privées équivalentes (prévoyance, mutuelle, plan d’épargne retraite) et vous réaliserez souvent que le régime général offre un rapport couverture/prix très compétitif.
Voici une comparaison claire des protections sociales selon le statut, qui met en évidence les avantages du régime assimilé-salarié de la SASU.
| Protection | SASU Assimilé-Salarié | EURL Gérant (TNS) | Salarié Classique |
|---|---|---|---|
| Maladie-Maternité | ✓ Régime général | ✓ SSI (réduit) | ✓ Régime général |
| Retraite de base | ✓ Même caisse que salariés | ✓ SSI (réduit) | ✓ CNAV |
| Retraite complémentaire | ✓ Agirc-Arrco | ✗ Non obligatoire | ✓ Agirc-Arrco |
| Indemnités journalières (arrêt maladie) | ✓ 50% du salaire | ✓ Réduit (SSI) | ✓ 50% du salaire |
| Assurance chômage | ✗ Non | ✗ Non | ✓ Oui |
| Accidents du travail | ✓ Oui | ✓ Oui | ✓ Oui |
Dans cette optique, il est judicieux de définir un « salaire de sécurité ». C’est le montant minimum de rémunération vous permettant de valider vos droits sociaux fondamentaux, comme les 4 trimestres de retraite annuels. Ce salaire n’est pas une charge, mais un socle de protection non négociable, avant même de penser à d’autres formes de revenus comme les dividendes.
Salaire, dividendes ou les deux ? Construire votre montage sur mesure pas à pas
Une fois votre profil et vos besoins de sécurité établis, l’arbitrage entre salaire et dividendes devient une construction logique et non plus un dilemme. La méthode est simple : fixez d’abord votre « salaire de sécurité », puis déterminez l’excédent de trésorerie distribuable, et enfin, simulez la meilleure façon de vous verser cet excédent.
Les deux options ont des caractéristiques très différentes, qu’il est essentiel de comparer avant de décider. Cette démarche est fondamentale pour bien choisir entre SASU et micro-entreprise, car ce dernier statut ne permet pas un tel arbitrage.
| Critères | Salaire | Dividendes |
|---|---|---|
| Condition de versement | Dès que la société a de la trésorerie | Uniquement en cas de bénéfices distribuables |
| Cotisations sociales | Oui, environ 70-82 % du salaire net | Non (mais prélèvements sociaux de 17,2 %) |
| Protection sociale | Oui (maladie, retraite, prévoyance) | Aucune |
| Déductible du résultat | Oui | Non |
| Fiscalité pour le président | IR au barème progressif | PFU de 30 % (ou IR barème + prélèvements 17,2 %) |
| Validation trimestres retraite | Oui, à partir de 7 241 €/an brut | Non |
| Formalités | DSN, bulletin de paie, URSSAF | PV d’AG, déclaration et paiement flat tax |
Le choix entre salaire et dividendes en SASU dépend de plusieurs facteurs : votre situation personnelle, les besoins en trésorerie de votre société, et vos objectifs à court et long terme. Privilégiez un salaire si vous souhaitez bénéficier d’une protection sociale et éviter la PUMa. Les dividendes peuvent ensuite être utilisés comme levier d’optimisation fiscale, une fois que la société dégage un bénéfice suffisant.
– L-Expert-Comptable.com, SASU : Dividendes ou salaire, quelle est la meilleure option ?
Le montage optimal dépendra donc directement de votre profil. Pour un bénéfice disponible identique, les stratégies seront radicalement différentes. La simulation ci-dessous illustre comment un même montant de 100 000 € peut être alloué différemment.
| Scénario de Rémunération | 100% Salaire | 80% Salaire / 20% Dividendes | 100% Dividendes |
|---|---|---|---|
| Salaire brut | 100 000 € | 80 000 € | — |
| Charges patronales + salariales | 62 000 € | 49 600 € | — |
| Résultat avant IS | 38 000 € | 48 000 € | 100 000 € |
| IS à 25% (ou 15% jusqu’à 42.5k) | 9 500 € | 11 000 € | 25 000 € |
| Dividendes disponibles | — | 20 000 € | 75 000 € |
| Impôt IR + prélèvements sociaux (PFU 30%) | Barème IR | 6 000 € sur dividendes | 22 500 € |
| NET TOTAL DIRECTOR | ≈ 60 000 € | ≈ 72 000 € | ≈ 52 500 € |
| Trimestres retraite validés | 4 | 4 | 0 |
Enfin, l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) est un paramètre majeur pour les créateurs. Le non-versement de salaire permet un maintien intégral des allocations. Les dividendes, quant à eux, ne sont pas considérés comme un salaire mais peuvent entraîner un différé d’indemnisation par Pôle Emploi. Une stratégie « zéro salaire » est donc souvent la plus pertinente la première année.
Cas du ‘Bâtisseur’ : Concilier protection sociale et projet immobilier
Un consultant en stratégie de 35 ans crée sa SASU. Son objectif est double : financer un achat immobilier dans trois ans tout en continuant à cotiser pour sa retraite. La stratégie adoptée est un salaire de base de 25 000 € brut par an, suffisant pour assurer 4 trimestres de retraite et une protection maladie complète, complété par des dividendes variables selon la rentabilité. Au bout de trois ans, il a validé 12 trimestres de retraite, peut présenter des revenus stables à sa banque pour son prêt, et a pu optimiser ses revenus grâce aux dividendes.
À retenir
- Votre stratégie de rémunération est avant tout le reflet de vos objectifs personnels et de votre aversion au risque.
- Les charges sociales ne sont pas un coût, mais un investissement dans votre protection sociale (retraite, maladie).
- Définissez un « salaire de sécurité » pour vos droits sociaux, puis optimisez le reste via un mix salaire/dividendes.
- La stratégie doit être dynamique et réévaluée chaque année ou lors de tout changement de situation majeur.
De la décision à l’action : pilotage et ajustement de votre rémunération dans le temps
Une fois la stratégie définie, sa mise en œuvre requiert de respecter un calendrier et des formalismes précis. La décision de se rémunérer est prise par l’associé unique et doit être consignée dans un procès-verbal. Le salaire est ensuite versé mensuellement via un bulletin de paie, tandis que les dividendes sont décidés lors de l’assemblée générale annuelle et versés après approbation des comptes.
Calendrier et formalités clés de la rémunération
- Janvier-Février : Point annuel avec l’expert-comptable ; simulation des 3 scénarios de rémunération (salaire seul, dividendes seuls, mix)
- Février-Mars : Décision formelle de rémunération ; rédaction du PV de décision de l’associé unique
- Avril-Décembre : Versement du salaire mensuel avec bulletins de paie ; paiement régulier des cotisations sociales à l’URSSAF
- Novembre-Décembre : Clôture comptable et bilan annuel ; préparation de l’assemblée générale pour décision de dividendes
- Janvier (année N+1) : Versement des dividendes après AG et approbation des comptes
Il est crucial d’identifier les « déclencheurs de réévaluation ». Ces événements doivent automatiquement vous inciter à revoir votre stratégie avec votre expert-comptable. Il peut s’agir de la fin de vos droits ARE, de l’atteinte d’un seuil de rentabilité clé (comme le palier de l’IS à taux réduit à 42 500 €), ou d’un projet personnel majeur. De même, les seuils de cotisations, comme le PASS 2025 fixé à 47 100 € pour la Tranche A, sont à surveiller.
Trajectoire d’ajustement : Du ‘Créateur’ en ARE au ‘Maximisateur’ en phase de croissance
Un entrepreneur illustre parfaitement cette évolution. Année 1 (profil ‘Créateur’ avec ARE) : aucune rémunération pour maintenir 100% de ses allocations chômage, entraînant zéro charge sociale pour l’entreprise. Année 2 (fin de l’ARE) : il passe à une rémunération minimale de 15 000 € brut/an pour valider sa retraite. Année 3 et suivantes (profil ‘Maximisateur’) : avec une rentabilité établie, il opte pour une rémunération optimisée mixant 35 000 € de salaire (pour la protection sociale) et 40 000 € de dividendes, maximisant son revenu net disponible.
Dans ce processus, votre expert-comptable n’est pas un simple exécutant qui produit des fiches de paie. Il est votre partenaire stratégique. Son rôle est de modéliser les différents scénarios, de valider la faisabilité de vos objectifs et d’assurer la conformité de vos décisions. C’est en vous appuyant sur cette expertise que vous pourrez pleinement découvrir les clés pour créer son entreprise avec une vision claire et sécurisée.
Questions fréquentes sur la rémunération du président de SASU
Qu’est-ce que le ‘salaire minimum de sécurité’ en SASU ?
Pour valider 4 trimestres de retraite par an, il faut cotiser sur un minimum d’environ 6 990 € brut annuel (soit 150 SMIC horaire par trimestre). Pour bénéficier des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, il faut avoir cotisé sur au moins 1 015 fois le SMIC horaire sur les 6 derniers mois (environ 11 825 € en 2024).
Quel est le montant des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ?
Les indemnités journalières correspondent à 50 % du salaire journalier de base (moyenne des 3 derniers mois), plafonnées à 52,28 € bruts par jour en 2025. Un délai de carence de 3 jours s’applique avant le versement.
Les cotisations sociales en SASU sont-elles déductibles du résultat fiscal ?
Oui, contrairement aux dividendes qui ne sont pas déductibles. Les cotisations patronales et le salaire brut réduisent le résultat imposable de la SASU, ce qui constitue un avantage fiscal majeur de la rémunération par rapport aux dividendes.
Quels sont les ‘déclencheurs de réévaluation’ obligatoires ?
Fin de l’ARE (passage de 0 à rémunération), atteinte d’un seuil de rentabilité (42 500 € IS réduit), changement familial (mariage, enfant, achat immobilier), nouvelles lois de finances (changement taux IS ou barème IR), ou proposition d’investisseur externe.
Comment déclarer ma rémunération auprès de France Travail si je suis en ARE ?
Vous devez actualiser chaque mois sur le portail France Travail en déclarant votre rémunération brute. 70 % de ce salaire brut sera déduit de vos allocations mensuelles. Les jours non indemnisés s’accumulent et peuvent être versés après fin de votre SASU.
Qui m’aide à choisir la meilleure stratégie ?
Votre expert-comptable est votre partenaire stratégique. Il/elle simule les scénarios fiscaux et sociaux, valide les décisions formelles, et optimise votre rémunération selon votre profil (Créateur, Bâtisseur ou Maximisateur) et l’évolution de votre entreprise.